Avez-vous déjà remarqué, dès les premiers rayons, quelques personnes isolées dans les vignes ? C’est la taille qui débute. Un moment que j’apprécie particulièrement, pendant lequel je me connecte à la vigne.
La taille, le début de la fin de l’hiver ?
En général, la taille débute après une période de gel ou de grand froid. Alors que certain.e.s vigneron.n.e.s prétaillent la vigne juste après les vendanges, je préfère attendre. Je commence tranquillement en janvier et la termine courant mars.
La taille est pour moi un temps de reconnexion profonde avec mon travail de base : la terre et la vigne. Je passe dans les rangs, cep après cep et j’évalue leur état général, leur vigueur, les cicatrices anciennes, l’avancée des bourgeons encore à l’état de petits yeux à l’abri dans leur cocon de ouate.
À mesure que l’hiver disparaît pour laisser place au printemps, les petits yeux se mettent à gonfler dans leur cocon et deviennent de plus en plus visibles, jusqu’à l’éclosion complète du bourgeon.
Un cep de vigne est rarement seul
Souvent j’observe des insectes et en particulier des coccinelles arpentant les vieux troncs de vigne. Elles cherchent certainement quelque chose à se mettre sous la dent. Ces petits clins d’œil colorés m’enchantent intérieurement. Tout ce petit monde, moi y compris, trafique sous le regard affûté du faucon crécerelle posté sur un piquet ou du bruant fou voletant dans les buisons alentours.
Tailler, c’est être témoin de cette jolie petite vie qui s’active avec l’arrivée des rayons du soleil, quelques heures par jour. Parfois un lézard tente une séance de chauffe sur une pierre. Ce qui me comble, ce sont les vols groupés des chocards alpins qui cherchent de la nourriture en plaine, quand la neige recouvre les hauteurs. Ils me rappellent que là-haut, c’est la montagne, que la neige recouvre encore tout de son joli manteau. Les chocards me survolent en silence dans un grand ballet aérien, je suis subjuguée. Je n’entends que le bruit de leurs ailes. Parfois, ils crient. Et parfois c’est la débandade en position serrée quand un faucon ou autre rapace traverse le ciel autour d’eux ! Ils resserrent les rangs pour se protéger. Et là, gare au retardataire qui se trouve en position de vulnérabilité face au prédateurs ailés des environs.
Une taille sur mesure, un moment de détente
Selon les cépages, je favorise une taille différente car les premiers bourgeons du sarment ne se comportent pas tous de la même manière. Certains sont très productifs dès la base. Pour d’autres, il est préférable de tailler en gardant un ou deux yeux supplémentaires. L’autre différence est plutôt d’ordre structurelle, selon la forme que j’ai choisi de donner à la vigne : gobelet, guyot, cordon permanent, fuseau.
En biodynamie, on peut tenir compte de l’influence des planètes qui engendreront certains types d’énergies. Pour ma part, je tiens peu compte des planètes durant l’époque de la taille. Je préfère parler à la vigne et l’avertir de ce que j’entreprends. Ainsi, elle peut retirer son énergie vitale des bois que je coupe et la concentrer plus en profondeur dans la plante.
Je suis plutôt du genre à profiter du soleil et du beau temps pour tailler. Cela me procure un plaisir intense. Je prends en compte l’énergie que je dégage afin d’entretenir un lien de qualité avec mon environnement et le Vivant.
Le réchauffement climatique, un invité à considérer
Avec des périodes d’enneigement plus courtes et des températures en général plus douces dès février, les bourgeons démarrent un peu plus rapidement. Du coup, la taille doit se terminer plus vite. Cela permet d’éviter la perte de la nouvelle énergie qui remonte déjà dans les sarments. En plein soleil en février, il peut facilement faire 15 à 18 degrés sur le coteau à l’abri du vent. Cela active le sol dans son ensemble, et donc également les racines de la vigne.